En septembre 1934, Freud achève un ouvrage qu’il intitule
L'Homme Moïse, un roman historique, mais il ne le publie pas. Un mois plus tard, il écrit à Max Eitingon : « Une partie du texte inflige de graves offenses au sentiment juif, une autre au sentiment chrétien, deux choses qu’il vaut mieux éviter à notre époque. » Puis en 1935, il confie à Lou Andreas-Salomé à propos de la figure de Moïse : « Ce problème m’a poursuivi toute ma vie. » C’est dire l’importance de cette réflexion sur la Bible, le judaïsme, et le christianisme pour le père de la psychanalyse.
En conservant — contrairement à son habitude — ce manuscrit autographe, Freud a probablement souhaité laisser des traces sur l’élaboration complexe de son travail sur le monothéisme. Cette version initiale, transcrite ici pour la première fois, nous permet de comprendre pourquoi et comment, alors que le nazisme se répand partout en Europe, Freud a infléchi, voire crypté, sa pensée au fil des années, jusqu’à la publication de son livre testamentaire sur Moïse, paru en 1939.