Nombre d'écrivains associent plusieurs langues dans leur poétique, passant de l'une à l'autre ou cachant l'une sous le masque de l'autre. Parmi ces funambules du verbe, Patrick Chamoiseau - figure majeure du mouvement de la Créolité - puise dans la confrontation du français et du créole la source vive de son inspiration. Romans et essais du grand auteur antillais l'attestent : les langues ne sont pas neutres, car elles suscitent et cristallisent de multiples images.
Ainsi comment concilier le créole, hanté par la souffrance de l'esclavage, et l'orgueilleux français promu par l'école d'une République lointaine ? Lourds de représentations, les idiomes se livrent une guerre incessante, chacun affirmant subtilement
son « génie » par l'exclusion de l'autre.
S'appuyant sur une lecture approfondie de Chamoiseau, Noémie Auzas met au jour les imaginaires traversant toute langue, et pourtant négligés par la critique. Et, au-delà des tensions linguistiques, sa réflexion donne à entendre la diversité polyphonique des voix de Babel.
Illustration de couverture :
Babel,
Saülo Mercader (huile sur toile, 2009, détail)