« “Tous ces livres qui tournent le dos à la vie”, murmura Saint-John Perse en balayant d’un regard lointain la grande bibliothèque, à côté de laquelle le petit garçon fixait l’homme qui recevrait le prix Nobel de littérature quelques mois plus tard.
L’écrivain passa alors la paume de sa main, doucement, sur le dos des volumes, faisant bruisser le grand silence qui habitait le sous-sol du vaste appartement, rue de Babylone, et dans lequel les éclats de voix provenant du rez-de-chaussée semblaient ne pas pouvoir pénétrer. Réalisant que le petit garçon l’observait comme on peut regarder un reliquaire Fang ou un masque du Sepik quand on n’en a jamais vu, l’écrivain, longiligne et oscillant, s’inclina légèrement vers l’enfant et esquissa un sourire amical, qui s’effaça peu à peu en paraissant vouloir dire : “Tu comprendras, tu me comprendras, plus tard”. »
Ce récit décrit avec une grande sensibilité une passion impérieuse et raffinée, celle des livres rares, retraçant sa genèse, évoquant ses plaisirs et ses écueils…
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